Je vous avais parlé le 1er juin de la brillante artiste du Théâtre Sarah Bernhardt, Blanche Dufrêne (écris parfois Dufrène), fort appréciée en son temps, dont je recherchais la tombe.

Fille du peintre Paul Grolleron (1848-1901) et de la comédienne Marthe Dufrêne (morte en 1904), elle était une amie intime de la Grande Sarah Bernhardt qui l’aimait tendrement. En plus de donner la réplique à « La Divine » dans de nombreuses pièces, Blanche fut aussi sa remplaçante habituelle quand celle ci tombait malade puis quand Sarah pris la direction de son théatre, où Blanche reprendra ses plus grands rôles. Elle fut célèbre à la Belle Epoque mais complètement oubliée de nos jours comme l’Aiglon ou la Dame aux Camélias. Mais qui connait encore Blanche Dufrêne ???

Quand je me suis intéressé à cette comédienne, j’avais appris qu’elle avait fait la une des journaux de mai 1919 en raison de sa fin tragique car elle s’était pendu dans sa loge quelques minutes avant le levé de rideau et de monter sur scène pour jouer la Dame aux Camélias.

J’avais pour indication qu’elle avait été inhumée au cimetière des Batignolles le 16 mai 1919.

Sans trop y croire, j’espérais cependant retrouver sa sépulture. Accompagné d’un ami tatophile, j’étais parti ce lundi 3 juin à la découverte de ce cimetière qui m’était totalement inconnu. Avant la fermeture du cimetière, après y avoir passé une journée de fouine à la recherche de la tombe de mes ami(e)s artistes, je me suis décidé à aller à la Conservation, sur les conseils de monsieur Lallemant, pour obtenir l’emplacement exact de la tombe de ma chère Blanche, dont je ne connaissais même pas la division et surtout si elle existait encore !

Le monsieur de la Conservation a du nous prendre pour des fous. Je me suis mis à lui raconter la vie de Blanche Dufrêne et je lui ai dit que je partais à sa recherche, 94 ans après son enterrement aux Batignolles. Très gentiment, le conservateur a pris le temps de nous renseigner et il nous a tendu une feuille avec ces indications : Division 28 - Ligne 2 - N° de la tombe : 14.

Et nous voilà donc parti, mon pote et moi, en direction de la 28ème division avec ces renseignements précieux. La 28ème division étant l’une des plus petites du cimetière, nous nous sommes dit que nous n’aurions pas trop de mal à retrouver la tombe en question (nous savions que nous recherchions pas une chapelle car il n’y en a pas dans cette partie du cimetière), mais ce n’était pas le cas !

Arrivés sur l’avenue latérale, face à la 28ème division, nous nous rendîmes directement sur la 2ème rangée de tombes et nous avons compté 14 à partir de la droite et aussi 14 à partir de la gauche et à chaque fois nous ne tombions pas sur la tombe recherchée. Le conservateur nous avait dit avant de le quitter que la sépulture n’avait pas été retirée. Cependant dans cette division, vu qu’il n’y avait plus beaucoup de tombes anciennes j’ai tout de suite pensé au pire, c’est-à-dire que la tombe de Blanche Dufrêne avait bel et bien été détruite comme celle de Cora Peal, de Jeanne Granier et de tant d’autres. On aurait donc détruit la dernière demeure de cette comédienne ? Même plus de lieu de repos pour cette femme qui eu un destin tragique ?

Donc grande déception pour commencer. Mais nous ne voulions pas en rester là. Alors, mon ami et moi, nous nous sommes dit que la 14ème tombe n’était peut-être pas celle recherchée si il y avait eu depuis de nouvelles tombes qui s’étaient rajoutées de chaque côté de l’allée. Mais depuis un moment, nous ne voyions plus que des tombes modernes, sinon quelques tombes anonymes ou bien recouvertes de mousse, tombes qui ne voulaient pas nous livrer le nom de leurs occupants. Puis, nous avons été en 3ème et 4ème lignes, on ne sait jamais... mais nous ne trouvions toujours pas la tombe de Blanche Dufrène. ô Tristesse !

Alors l’ami qui m’accompagnait et m’aidait dans ma quête pour retrouver Blanche a eu une idée de génie ! Je n’y avais pas pensé, pourtant c’est par là qu’il aurait fallu commencer tout de suite voyant que la 14e tombe de la 2ème ligne n’était pas celle de la comédienne, c’est à dire regarder derrière chaque sépulture pour voir l’année de la concession. Ainsi nous avons parcouru toute la division à la recherche d’une tombe de 1919. Il ne restait, hélas, plus beaucoup de tombes anciennes comme je vous l’ai dit. Les plus anciennes que nous avions trouvé, recouvertes de mousse pour la plupart, dataient de 1923. Nous avions visité presque toutes les tombes, et toujours aucune de 1919, alors il fallait se rendre à l’évidence : la sépulture de Blanche n’existait plus !

Nous avions donc (presque) tout exploré dans cette minuscule division... la première fois nous étions passé rapidement devant les tombes de la 1ère ligne... mais j’étais revenu sur cette première ligne et sur cette pelouse... et si à la place de la pelouse, il y avait eu une première rangée de tombe à l’époque, de tombes qui avaient totalement disparues ? Et si la 2ère ligne n’était autre que la 1ère ligne d’aujourd’hui ? Le conservateur avait bien pu aussi en lisant son registre confondre un 2 avec un 1. Et je recompte à partir de la droite... 1... 2... 3.... 12... 13... 14... et j’arrive face à une tombe de pierre blanche surlontée d’un bac à fleurs, une tombe recouverte d’une mousse épaisse qui ne permettait pas lire le noms des occupants, juste des derniers défunts de la famille, mais aucun Dufrêne... puis je fais le tour de la tombe et derrière celle-ci, je lise cette inscription... 6.1919 ! Bingo !?

Il y avait dans cette 28ème division qu’une seule tombe de 1919... c’était la seule de 1919 et elle était la 14ème tombe de la rangée en partant de la droite. J’avais maintenant l’intime conviction que Blanche était dans celle-ci... Elle était morte en mai 1919 mais elle avait très bien pu reposer dans une tombe temporaire avant de de rejoindre son tombeau définitif. Le caveau en question fut terminé en juin. Donc tout était encore possible ! On approchait enfin du dénouement... Qu’allions-nous découvrir ?

Il aura fallu une bonne 15aine de minutes pour que cette tombe nous livre son secret... en effet, avec beaucoup d’attention pour ne pas abimer la pierre et les inscriptions, nous avons retiré la mousse qui cachait le nom de son premier occupant... mais même en retirant la mousse, nous n’arrivions toujours pas à lire le nom du ou de la défunte, car la mousse était beaucoup trop ancienne et épaisse... cela devait faire bien des années que quelqu’un était venu se recueillir sur cette tombe... mais à peu, en soufflant sur la mousse qui était partie peu à peu, nous sommes arrivés à lire le début d’un prénom : BL... puis le prénom tout entier : BLANCHE... et enfin un nom : DUFRENE !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

En dessous, est apparu sa date de naissance et de mort : 5 juin 1874 - 13 mai 1919. Et pour terminer, la cerise sur le gâteau : juste en dessous avait été gravée une longue épitaphe, que nous n’avons pas réussi à déchiffrer entièrement mais qui commence ainsi « ô toi qui fut l’Aiglon, ô toi qui fut Marguerite (Gauthier) ». Nous avons eu beaucoup d’émotion à ce moment là !

J’ai pris de nombreuses photos de la tombe avant et après la mousse... et j’ai pris en gros plan l’épitaphe... je vais publier bientôt quelques photos sur le site, car peut-être monsieur Lallemant, vous pourrez m’aider à déchiffrer cette longue phrase énigmatique.

La tombe de Blanche Dufrenne n’a donc pas encore livré tous ses secrets. En tout cas, quelle satisfaction, quand grande joie j’ai eu en découvrant la tombe de cette comédienne. En résumé, la localisation précise est : avenue latérale, division 28, 1ère ligne, 14ème à partir de la droite.

Mes chers amis du site, si un jour vous passez au cimetière des Batignolles et si vous allez voir Blanche, déposez lui sur sa tombe un petit caillou pour montrer que vous êtes passés par la voir. Elle vous remerciera pour votre bonne visite.

HolyvieR

P.S. : Je croise les doigts pour que cette tombe, la plus ancienne de la division, ne soit pas détruite !