Eglise SAINT-EUSTACHE

jeudi 7 février 2008
par  Philippe Landru

L’église actuelle a remplacé à partir de 1532 une chapelle datant de 1210 devenue trop petite du fait du développement des Halles centrales. Elle ne fut terminée qu’en 1637, encore que sa façade ne date que de 1788. C’est aujourd’hui la plus grande église de la capitale après Notre-Dame.

Elle est célèbre pour quelques « faits d’armes » : Richelieu, Molière et Madame de Pompadour y furent baptisés, Louis XIV y fit sa première communion, Lulli s’y maria (il venait en voisin). On y organisa les funérailles de La Fontaine, de Mirabeau et de la mère de Mozart.

A l’entrée de l’église, une scène naïve représente toute une série de personnages travaillant aux Halles, une manière de rappeler l’importance de l’édifice dans l’histoire du marché central de Paris.

***

Un très grand nombre de célébrités y furent inhumées, même s’il ne reste plus rien de la plupart d’entre elles. C’était en particulier l’église paroissiale de beaucoup des familles des hauts commis de l’Etat (chanceliers, surintendants, amiraux...). Ce fut également le panthéon des premiers membres de l’Académie Française : comme nous allons le voir, beaucoup d’entre eux s’y firent enterrer.

On pourra ainsi citer, parmi les plus fameux :

- Pierre FORGET de FRESNES (1542-1610) qui fut Secrétaire d’Etat sous Henri III et Henri IV et qui rédigea l’Edit de Nantes.

- Bernard de GIRARD d’HAILLAN (1535-1610) qui fut poète, historien et généalogiste de Charles IX et de Henri III.

- Pierre BRUSLART de SILLERY (+1640) qui, en tant que Secrétaire des Affaires étrangères, négocia le mariage de Louis XIII et d’Anne d’Autriche.

- le poète Vincent VOITURE (1598-1648) qui fut membre de la première Académie française.

- le grammairien Claude FAVRE de VAUGELAS (1585-1650) qui fut également membre de la première Académie française, qui lui confia la direction des travaux du Dictionnaire.

- Michel Particelli d’EMERY (ca1595-1650), surintendant général des finances de Mazarin. C’est lui qui créa les droits d’octroi sur les marchandises.

- Abel SERVIEN (1593-1659), qui fut plusieurs fois ministre de Richelieu et de Mazarin, et qui prépara le Traité de Westphalie. Il fut également membre de la première Académie.

- François de VITRY de l’HOSPITAL (+1660) qui fut évêque de Meaux, quitta les ordres, entra dans l’armée sous le nom de Du Hallier et y devint maréchal de France. Il participa à la victoire de Rocroi et devint gouverneur de Paris.

- Guillaume BAUTRU (1588-1665), qui fut membre de la première Académie.

- François du VAL de FONTENAY-MAREUIL (+1665) fut un ambassadeur de Louis XIII qui laissa des Mémoires.

- le géographe Nicolas SANSON (1594-1665), qui fut professeur de Louis XIV.

- l’écrivain et philosophe François de la MOTHE le VAYER (1585-1672), qui fut membre de la première Académie.

- l’académicien Antoine FURETIERE (1619-1688), qui fut en conflit avec l’Académie pour avoir fait paraître un Dictionnaire indépendant.

- le maréchal de France François d’AUBUSSON, duc de la FEUILLADE (1625-1691). Il fut vice-roi de Sicile en 1678.

- le poète Isaac de BENSERADE (1613-1691), qui fut académicien.

- SCARAMOUCHE (Tiberio Fiorelli : 1608-1694) fut un acteur de commedia dell’arte, créateur du personnage de Scaramouche, directeur de la troupe des Comédiens-Italiens, qui partagea avec la troupe de Molière (dont il était l’ami) le Théâtre du Petit-Bourbon, et le Théâtre du Palais-Royal.

- Anne-Hilarion de COSTENTIN, amiral de TOURVILLE (1642-1701) qui fut un adversaire redoutable pour les Barbaresques et les Anglais et qui devint maréchal.

- le chimiste allemand Guillaume HOMBERG (1652-1715) est connu par les perfectionnements qu’il apporta à la fabrication du phosphore déjà découvert par Kunckel, par l’invention d’une nouvelle machine pneumatique, d’un nouveau microscope, et par une foule d’ingénieuses découvertes. Son nom est resté attaché à l’acide borique, qu’il découvrit et qu’on appelle depuis sel sédatif de Homberg.

- le peintre Charles DE LA FOSSE (1640-1716), élève de Lebrun, dont l’œuvre la plus connue demeure le dôme des Invalides.

- l’abbé Charles GENEST (1639-1719) : officier, abbé, poète, auteur tragique médiocre, il fut membre de l’Académie Française.

- le magistrat Joseph Jean-Baptiste FLEURIAU d’ARMENONVILLE (1661-1728), qui fut chancelier de France de 1722 à 1727.

- Charles Jean Baptiste de FLEURIAU d’ARMENONVILLE, comte de Morville (1686-1732), son fils, qui fut Secrétaire d’Etat et académicien français.

- l’acteur de la comédie italienne Dominique BIANCOLELLI (1680-1734), qui plut tant au Régent dans les parodies sous le costume d’Arlequin.

- le financier Samuel BERNARD (1651-1739) qui créa la Compagnie française de Guinée, et prêta plusieurs fois de l’argent à la couronne de France.

- Pierre Carlet de Chamblain de MARIVAUX (1688- 1763) Auteur français déclaré comme mineur par la génération des Encyclopédistes, réputation qu’il conserva jusqu’au milieu du XXème siècle. Il est surtout connu pour ses pièces qui traitent de « la métaphysique du coeur », ce qu’on a appelé le marivaudage : La Surprise de l’amour (1722), la Double Inconstance (1723), le Jeu de l’amour et du hasard (1730), les Fausses confidences (1737).

S’il mourut bien à Paris, fut-il pour autant inhumé à Saint-Eustache ? La seule source connue qui l’y place est une pancarte, affichée à l’intérieur même de l’église. Pourtant, il est étrange que Jacques Hillairet ne situe pas sa sépulture à Saint-Eustache dans ses 200 cimetières du Vieux Paris. Une confirmation serait nécessaire.

- le Secrétaire d’Etat Louis PHÉLIPPEAUX de la VRILLIERE (1705-1777)

- l’homme d’Etat Jean-Baptiste MACHAULT D’ARNOUVILLE (1701-1794), qui fut ministre de Louis XV et mourut à la prison des Madelonettes durant la Terreur.

- les entrailles de Louise-Henriette de Bourbon-Conti (1726-1759), épouse de Louis-Philippe d’Orléans et mère de « Philippe-Egalité », dont le corps avait été inhumé au Val-de-Grâce, furent déposées à Saint-Eustache. La plaque de marbre qui les recouvrait fut retrouvée au revers de la tablette d’un guéridon envoyé en réparation chez un menuisier de Rouen au XIXe siècle !

De tous ces personnages, il ne reste absolument plus rien à Saint-Eustache.

***

D’autres personnalités inhumées à Saint-Eustache, il reste encore une trace, parfois infime :

- à l’entrée de l’église, on voit sur le mur la plaque funéraire du général François de CHEVERT (1695-1769) qui était lieutenant colonel lors du siège de Prague par le comte de Saxe, en 1741, et c’est à lui que l’on doit la prise de cette place. L’année suivante, il défendit cette même place pendant 18 jours, avec 1800 hommes, contre toute l’armée autrichienne et ne capitula qu’aux conditions les plus honorables. L’épitaphe inscrite sur cette plaque est de Diderot.

- le très célèbre contrôleur-général des Finances de Louis XIV, Jean-Baptiste COLBERT (1619-1683), y fut inhumé et on peut encore admirer, dans ce qui était la chapelle de famille des Colbert, son magnifique mausolée, œuvre de Coysevox. Le défunt, représenté en priant, est entouré par deux figures allégoriques qui représentent la Fidélité (à gauche) et la Foi.

Le convoi de Colbert eut lieu de nuit, par crainte de la haine du peuple qui l’accusait de l’augmentation des impôts. Durant la Révolution, ses restes furent jetés dans une fosse du cimetière Saint-Eustache : on dit qu’il ne reste plus de l’homme d’Etat sous son tombeau que son bassin et ses jambes.

Dans ce même tombeau avait été inhumé son fils, Jean-Baptiste Antoine Colbert, marquis de Seignelay (1651-1690), qui succéda à son père au poste de Secrétaire d’Etat à la Marine. Ce fut lui qui signa le Code noir.

- le compositeur Jean-Philippe RAMEAU (1683-1764) qui fut, avec Couperin, l’un des deux maîtres de file de l’École française de clavecin au XVIIIe siècle. Il se mit très tardivement à la composition, mais rattrapa son retard en composant ballets et grands opéras (les Indes Galantes).

S’il ne reste plus rien de son tombeau originel, une chapelle de l’église possède un buste de lui ainsi qu’une plaque, posée en 1883 en son hommage par la Société des compositeurs de musique.

- la mère de Mozart, Anna-Maria PERTL-MOZART (1720-1778) mourut à Paris lors d’un déplacement de la famille : les registres de Saint-Eustache possèdent bien son acte de décès. La messe d’obsèques eut lieu dans l’église, en présence de son fils. Elle fut ensuite inhumée au cimetière, sans que l’on sache s’il s’agit de celui des Innocents ou du cimetière Saint-Joseph, associé à Saint-Eustache. Sa tombe a disparu depuis longtemps, mais une plaque de l’église rappelle que ses funérailles s’y déroulèrent.


Commentaires

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Eglise SAINT-EUSTACHE
jeudi 19 juin 2014 à 17h25 - par  ch Gazan

J’ai un ancêtre qui aurait été inhumé en 1717 dans l’église de Saint-Joseph dépendant de l’église de Saint Eustache. Cette église existe-t’elle encore ?

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vendredi 20 juin 2014 à 17h03 - par  Roger Rousselet de Colombes

Il ne s’agissait pas vraiment d’une église, mais de la chapelle du cimetière St Joseph ouvert en 1625 entre les rues du croissant, St Joseph et Montmartre (la chapelle se situait vers l’actuel 140 rue Montmartre et inaugurée en 1640) ; la chapelle fût détruite en 1800 après avoir servie de conservatoire de musique. Le cimetière avait été fermé dès 1781 et disparu en 1796. Votre ancêtre devait donc y être inhumé en compagnie du lieutenant de police La Reynie et de...Molière, puisque ce cimetière dépendait de la paroisse St Eustache où habitait l’auteur-comédien.
En 1806, sur l’emplacement du cimetière vint s’installer un marché démoli en 1882, puis l’imprimerie des journaux « le radical », « la patrie », l’aurore"... jusqu’en 1914.

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Eglise SAINT-EUSTACHE
mercredi 27 février 2013 à 10h57 - par  HolyvieR

Oups, j’ai écorché le nom de Jacques HILLAIRET. |-)

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mercredi 27 février 2013 à 16h38 - par  HolyvieR

Merci Philippe. ;-)

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mercredi 27 février 2013 à 14h45 - par  Philippe Landru

On n’a aucune information fiable sur le décès de la mère de Mozart, sinon que ses obsèques eurent bien lieu à St Eustache.

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Eglise SAINT-EUSTACHE
mercredi 27 février 2013 à 10h55 - par  HolyvieR

Dans son fameux ouvrage « Les 200 cimetières du Vieux Paris », Jacques Hilaret raconte que la mère de Mozart fut inhumée en juillet 1778 dans le cimetière Saint-Eustache dit des Porcherons (parfois appelé cimetière Saint-Jean-Porte-Latine), 4ème cimetière de la paroisse Saint-Eustache fort étendue, qui fut sa nécropole principale pendant la seconde moitié du XVIIIe siècle. L’auteur explique que si les ossements de Anna Maria Pertl-Mozart n’ont pas fait partie de ceux qui furent portés aux Catacombes en 1859, il est possible qu’elle repose encore sous le carrefour Châteaudun (Paris 9ème).

Est-ce que Jacques Hillaret se trompe ? Vous Philippe, vous parlez du cimetière des Innoncents ou du cimetière Saint-Joseph comme lieu d’inhumation de maman Mozart.

Je cite Wikipédia : « Son corps fut inhumé dans le cimetière attenant à l’église Saint-Eustache » ce qui est une erreur.

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