THÉRÉSA (Emma Valladon : 1837-1913)

Père lachaise - 35ème division
dimanche 5 juillet 2009
par  Philippe Landru

Emma Valladon naît en 1837 à La Bazoche-Gouet (28), fille d’un musicien de guinguette. Elle apprend avec son père toutes les rengaines à la mode. Elle rêve de devenir chanteuse, et en attendant son heure, se fait renvoyer des divers ateliers de confection dans lesquels elle est employée.

Elle finit par obtenir des petits tours de chant dans divers établissements (Théâtre de la Porte-St-Martin, Café Moka, Café des Géants...) où elle n’obtient aucun succès.

Emma décide de donner un nouveau tour à sa carrière : elle abandonne son nom, devient « Theresa », et entame une carrière de tyrolienniste à l’Alcazar : le genre, qui consiste à à faire varier en hauteur et moduler une mélodie en passant de la voix de normale en voix de tête (Jodel), est à la mode.

Son succès est immédiat, et les critiques sont conquis : en moins d’un mois tout Paris accourt pour voir et entendre ce phénomène drolatique. L’Eldorado et l’Alcazar se battent pour l’avoir sur scène, la princesse de Metternich se déplace pour venir l’entendre...Elle est finalement invitée à la cour pour débiter son répertoire devant l’Empereur. Elle gagne alors très bien sa vie. On l’appelle « l’Alboni de la canaille ». Degas la peint.

Peu à peu, elle réussit à imposer son style, des chansons dont les titres sont tout un programme : C’est dans le nez que ça me chatouille, La déesse du Bœuf gras, Rien n’est sacré pour un sapeur... Les paroles sont à l’avenant :

« Maman, le gros Bébé t’appelle, il a bobo : Tu dis que je suis beau,
quand je veux bien faire dodo.
Je veux de confitures, c’est du bon nanan ;
Les groseilles sont mûres, donne-m’en, j’en veux, maman,
Je veux du bon nanan, j’ai du bobo, maman.
Atchi ! Papa, maman, caca. »

(la chanson du bébé, 1861)

En 1867, elle perd sa voix et doit quitter la scène : elle revient en 1869 avec ce qui restera son plus grand succès : les Canards tyroliens. En 1870, on la convoque à la Gaîté pour chanter la Marseillaise. Offenbach l’invite pour la création d’une pièce bouffe destinée à ridiculiser les Prussiens, dans laquelle elle aurait joué le rôle d’un kaiser grotesque. Là encore, le répertoire est subtil :

O Vaterland ! Sigmaringen, Osnabruck,
Baden-Baden, Hohenzollern, Hohenloh !
Zwei Bock-bier, Kirschwasser, Offenbach,
Choucroutausen, Saucissonausen, Cervelag !
Laï-tou...

La chute de l’Empire met un terme au projet : dommage ! la guerre puis la Commune font évoluer son registre vers un tour plus réaliste. En 1884, elle interprète la Glu, chanson de Richepin que reprirent plus tard Yvette Guilbert et Polaire.

En 1893, elle décide de prendre sa retraite : elle fait sa représentation d’adieu à la Gaîté. En 1894, elle remonte pour une soirée sur les planches du Chat Noir.

En 1895, elle se retire dans la Sarthe où elle meurt en 1913. On ne possède pas d’enregistrement de sa voix, mais son répertoire fut reprit, avec plus ou moins de bonheur, par de nombreuses chanteuses appelées « Prima gueula ».


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Commentaires

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THÉRÉSA (Emma Valladon : 1837-1913)
mercredi 15 août 2012 à 03h25 - par  HolyvieR

En me baladant hier après-midi au Père Lachaise, je suis allé rendre visite à la fameuse chanteuse de caf’ conc’ Thérésa dont j’ai pu localiser la chapelle située en bordure de la division 35 grâce à votre photo. ;-) Je tenais à signaler que la dite chapelle avait perdu la croix qui la surplombait ! :-/

mercredi 4 mars 2015 à 17h21

Wikipédia : La Diva du Ruisseau » en raison de ses origines modestes, elle est considérée comme l’une des artistes à qui l’on doit la naissance de l’Industrie du spectacle en France, l’origine de l’Intermittence du Spectacle.
Artiste au grand coeur, comme Coluche elle a aidé les pauvres qui manquaient de logement et de nourriture !
Ne mérite elle pas d’avoir une tombe entretenue et son Nom référencé dans le plan du cimetière, afin que l’on puisse venir tout simplement lui rendre Hommage comme ont le fait pour les célébrités qui dorment dans le cimetière ?

Thérésa fut la première chanteuse à déplacer la foule dans le cimetière du Père Lachaise et cela peut se lire dans le livre de Pierre-Robert Leclercq Thérèsa : La Diva Du Ruisseau
Le XIXe siècle du Second Empire et de la Belle Epoque est celui de Pasteur, d’Haussmann, des frères Pereire, du Sacré-Cœur, de la Tour Eiffel, de l’opérette avec Offenbach, du théâtre avec Rostand. La renommée d’Hortense Schneider et de Sarah Bernhardt est arrivée jusqu’à nous. Il n’en est pas de même pour Emma Valladon. Débutant dans les plus minables des quelque trois cents caf’conc’ que compte Paris, Emma, apprentie modiste, accède aux plus fastueux en devenant Thérésa. En quelques mois, son succès rassemble le public des faubourgs et les grands noms du Pouvoir, de Paris à la province, de Rome à Pétersbourg. Avec elle, on reconnaît à la chanteuse populaire le titre d’artiste. Célébrée comme une diva, elle se fait comédienne en jouant des opérettes d’Offenbach, et des compositeurs comme Gounod et Fauré rendent hommage à son talent. Pionnière dans sa profession, elle est la première de la corporation à obtenir des cachets pharamineux, à être sollicitée pour des publicités, à multiplier les produits dérivés, à créer ce qu’on n’appelle pas encore des « tubes », et elle est à l’origine de ce qui donnera une reconnaissance juridique aux intermittents du spectacle. De 1862 à 1892, sa carrière marque l’apogée et la fin du café-concert qui laisse sa place au music-hall, nouvelle galaxie de la chanson populaire dont toutes les étoiles, persistantes ou filantes, sont les héritières de la petite modiste qui chantait « en triple accord avec ses sens, son esprit et son âme », comme l’écrit son admirateur, Barbey d’Aurevilly.