VICHY (03) : cimetière des Bartins
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Sur un sol sabloneux, le cimetière de Vichy contient les tombes cosmopolites de toute une humanité venue en cure dans cette ville d’eau. Certains monuments somptueux ont bien mal vieilli et l’ensemble, peu arboré hormis quelques allées, a une apparence assez austère et globalement fatiguée.
Créé en 1866 sur une surface initiale de 7,5 ha, le cimetière actuel de 13 ha se divise en 34 « compartiments » (divisions). La partie la plus intéressante pour le promeneur est constitué des 8 plus anciens compartiments, de part et d’autre de l’allée qui part de la porte principale (divisions 1 à 6, 16 et 17). Dans la suite de l’article, les divisions sont indiquées entre parenthèses à la fin des notices biographiques.
Les curieux ne manqueront pas d’aller consulter le sympathique conservateur du cimetière qui rédigea il y a quelques années plusieurs feuilles manuscrites sur ses trouvailles dans la nécropole !
curiosités
Un cénotaphe dédié à la mémoire de Georges Jouannault, disparu à 25 ans dans le naufrage du Titanic le 14 avril 1912 (2).
Dans la chapelle Poilpré repose une danseuse étoile qui fut la maîtresse de Ferdinand de Lesseps. Un escalier descend vers une crypte dans laquelle elle repose, embaumée, dans un cercueil sur lequel une vitre permet de voir son visage. Face aux dégradations occasionnées par les visiteurs, la conservation a définitivement scellé l’entrée de la chapelle. (6)
La curieuse tombe d’un soldat surmontée d’un buste de facture naïve sur laquelle une plaque précise : Passant qui vois cette tombe / et veux savoir qui je fus / avant qu’ici je tombe / en soldat rien de plus / j’avais nom Specht, j’étais d’Alsace / De généreux amis m’ont donné cette place / pour reposer en paix / et je dois cette pierre au Souvenir Français.
La tombe de l’épouse de Jean Gabin, née Christiane Fournier, ancien manequin chez Lanvin.
La tombe des grands parents de Coco Chanel (12).
Quelques belles compositions funéraires.
les célébrités : les incontournables...
Robert FAURISSON
Valery LARBAUD
Raoul SALAN
Le journaliste Albert LONDRES (1884-1932), qui après avoir fait ses
classes comme échotier parlementaire, signa son premier article en 1914. Ce fut le coup d’envoi d’une carrière exemplaire qui lui fit parcourir le monde : la Grande Guerre sur tous ses fronts stratégiques et la conquête de Fiume par d’Annunzio, la Révolution russe et les abus (déjà !) du Tour de France cycliste, la République chinoise en folie et le scandale du bagne de Cayenne (le récit qu’il en fit contribua à sa fermeture), les bataillons disciplinaires d’Afrique du Nord et la condition des aliénés dans les asiles de France, la traite des noirs en Afrique, les terroristes dans les Balkans...
Pendant dix-huit ans, Albert Londres contribua à dénoncer les conditions inhumaines tout autour du monde... jusqu’au dernier voyage qui le mena en Chine en 1932 pour une enquête explosive (contrebande d’armes ? trafic de drogue ?...) dont il ne révéla rien à personne. Il emporta son secret avec lui, sur la route du retour, en périssant lors de l’incendie du paquebot George Philippar. Il est aujourd’hui considéré comme le symbole du journalisme exigeant et humaniste. Albert Londres ne possède donc pas de tombeau, mais la sépulture familiale de Vichy lui tient lieu de cénotaphe. Ce cénotaphe est également la tombe de sa fille, la journaliste Florise MARTINET-LONDRES (1904-1975), qui créa dès 1932 le Prix Albert Londres décerné tous les ans au mois de mai à un journaliste de moins de quarante ans.
... mais aussi
Comme toujours dans une ville de cette importance, un très grand nombre de célébrités locales, connues des Vichyssois pour avoir donné leur nom à des rues, résident dans ce cimetière. Nous nous attacherons à ceux dont la postérité dépassa le cadre de la ville.
Le peintre François BERNARD (+1868) (2).
Le peintre Ferdinand BRISARD (5)
Madeleine CHARNAUX (1902-1943), qui fut d’abord sculpteur et élève de Bourdelle. Elle fut l’épouse de l’écrivain Pierre Frondaie puis du journaliste PPF Jean Fontenoy. Aviatrice, elle bâtit le record d’altitude féminin en 1934. Elle publia ses souvenirs en 1942 chez Hachette sous le titre La Passion du ciel (2).
Pierre COULON (1913-1967), qui fut maire de la ville et député de l’Allier de 1951 à 1962 (4).
André Gilbert DECORET (1832-1902), auteur de l’ouvrage Une page sur Vichy et ses environs. Avec lui repose ses fils : l’architecte Henri DECORET (1865-1914), auteur de nombreuses villas à Vichy, et l’explorateur Joseph DECORET (1862-1899), qui acheta en Tunisie les terrains qu’il céda à la Marine pour créer la ville de Ferryville (aujourd’hui Menzel Bourguiba).
Le baryton Pierre DELOGER (1890-1985), qui fut directeur du Théâtre municipal de Metz de 1959 à 1964.
Le chef d’orchestre Roger DESORMIÈRE (1898-1963) : flûtiste, il fait ses études au Conservatoire de Paris et s’oriente rapidement vers la direction d’orchestre. De 1925 à 1929, il est directeur musical des Ballets Russes de Serge Diaghilev – il dirige leurs dernières représentations à Vichy - puis prend la direction de l’Orchestre national de la radio française et de l’Opéra comique. Il dirige les œuvres de la plupart de ses contemporains tels que Darius Milhaud, Erik Satie, Arthur Honegger, Francis Poulenc… Il est aussi l’un des premiers chefs à remettre la musique baroque à l’honneur et compose ou orchestre de nombreuses musiques de films.
Le graveur sur bois Paul DEVAUX (1894-1949), qui illustra un grand nombre d’ouvrages dont ceux de Valery Larbaud (2).
Jean-Pierre DULAU (1912-2009) : officier entré dans les FFL, il fit essentiellement la guerre en Afrique (campagnes de Dakar et du Cameroun, puis Libye (Bir Hakeim et El Alamein). Il participa encore aux campagnes d’Italie puis de France. Il fut fait Compagnon de la Libération.
Le mémorable comédien Paul DULLAC (Paul Gouteredonde : 1882-1941), entré dans la légende du cinéma pour la fameuse scène des cartes de Marius, dans lequel il incarnait Escartefigue, le souffre-douleur de César (le « cocu » de la marine française). Immédiatement associé à la faconde marseillaise, il était pourtant originaire de ... Gironde ! Et c’est dans l’Allier qu’il s’installa et mourut. Inhumé dans ce cimetière, ses cendres furent à priori reprises !
Le peintre Lucien FISCHER (1819-1882), dont la tombe est ornée d’un médaillon en bronze. (6)
Le tennisman Maurice dit « Fifi » GERMOT (1882-1958), qui fut champion olympique en salle en double messieurs (1912) et trois fois vainqueur de Roland-Garros (1905, 1906 et 1910).
Le pilote automobile Guy LIGIER (1930-2015), qui participa à treize Grands Prix de Formule 1, obtenant un point au Championnat du monde des pilotes grâce à sa sixième place au Grand Prix d’Allemagne 1967. Il est plus connu pour avoir fondé son écurie de course de Formule 1, Ligier, qui courut pendant les années 1970 à 1990. Guy Ligier est également connu comme constructeur automobile, fondateur de la marque Ligier.
L’archéologue Lucien MOSNIER (+1948) (5)
Mila PARÉLY (Olga Peszynska : 1917-2012) : dernière survivante de la troupe du formidable film La Règle du Jeu de Jean Renoir, cette comédienne française, d’origine polonaise s’était illustrée dans une trentaine de films dans le cinéma des années trente à quatre-vingt. Sacha Guitry et Jean Cocteau avaient notamment fait appel à cette beauté du Nord pour leurs films. Dans le film La Belle et la Bête (1946), elle jouait la sœur de La Belle, sans doute sa plus célèbre prestation. Elle aurait eu une liaison avec Jean Marais, et il fut même question de mariage. À quarante ans, la jeune femme quitta pourtant le septième art pour s’occuper de son mari, le pilote écossais Thomas Mathieson, dit Tasso, accidenté de la route. Le couple s’était retiré à Vichy. Tous deux reposent dans le caveau.
Adrien PELTIER (1903-1982) : brigadier de police à la préfecture de Paris, il entra dans la Résistance et devint responsable de réseaux, s’occupant en particulier de confectionner des faux papiers. Il participa évidemment à l’insurrection de la préfecture en juin 1944. Il fut fait Compagnon de la Libération.
L’aviateur Henri PEQUET (1888-1974), qui réalisa en 1911 le premier vol postal de l’histoire en transportant dans son avion du courrier entre Allahabad et Naini, en Inde (4).
Le compositeur Henri THÉVENIN (1922-1993), auteur d’œuvres orchestrales, de musique de chambre et de mélodies, ainsi que de recueils de poésies (1)
Merci à Jean-Louis Milla pour la photo Parély.
Merci à H. Durand pour les photos Dulau, Deloger, Ligier et Peltier
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